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24 mars 2012

Chronicle - Josh Trank

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En ce moment circule le buzz d'un film intitulé Project X, qui expose dans sa bande-annonce les images d'une soirée d'anniversaire tournant à la catastrophe nucléaire. Le témoignage cash et résolument publicitaire de ce à quoi les jeunes sont censés aspirer quand ils cliquent sur "i'm attending", doublé de l'apocalypse qui en découle forcément : la catastrophe de l'année est la seule raison pour laquelle le spectateur accepte de se faire malmener par les tremblements d'une caméra portée.
Chronicle n'a pas échappé à ce besoin de faire absolument tout péter, mais je tiens à le dire, de tous les popcorn movies surchargés d'effets spéciaux et d'émissions nocturnes, il est sûrement le plus agréable à suivre. D'abord, le mix entre la SF et l'esthétique documentaire du 'found footage' fonctionne grâce à l'idée rafraîchissante que des super-pouvoirs peuvent tomber sur de jeunes cons qui ne savent pas quoi en faire. Ce n'est pas leur destin (à moins qu'une suite foireuse ne le prouve comme laisse l'entendre la dernière séquence un peu limite du film), ce n'est pas la clé de la maturation, c'est un trou mystérieux dans le sol au milieu des bois auquel peut avoir accès un ado un peu bourré, sympa mais égocentrique ou dérangé. La différence fondamentale entre Project X et Chronicle, c'est qu'alors que le premier délaisse la forme documentaire - on entend clairement les dialogues filmés à cent km de distance, on ne sait même plus qui filme quoi au cours de la fête, mais j'imagine bien que tout le monde s'en fout à partir du moment où des bombes aux seins nus sautent dans la piscine - pour se consacrer corps et âme au fantasme de l'homme pubère, le second prend la peine d'écrire un scénario et de réfléchir sa mise en scène.
Le très bon point de départ scénaristique est suivi par les aubaines formelles qu'il engendre. La maîtrise progressive de la télékinésie permet au héros de se filmer plus proprement, incorporant ainsi sans problème (bon, avec des tricheries occasionnelles quand même) des travellings en tous genres. C'est la première chose qui frappe : toute image témoigne d'une justification systématique de sa source (si ce n'est pas la caméra d'Andrew, ce sont les caméras de surveillance des lieux où il se rend, celle de la bloggueuse que son cousin convoite...).
Après, le hic réside dans la contradiction entre le soin rigoureux de cette justification de la source et la deuxième partie du film assez lourdingue où aucun des personnages ne seraient possiblement en mesure de filmer ce qu'ils filment si le metteur en scène était aussi terre à terre et attaché à la psychologie des personnages que dans la première partie.
Parce qu'enfin, il faut parler des personnages qui participent de notre aisance à rentrer dans le truc. On a le rejeté du lycée qui s'achète une caméra et l'utilise comme bouclier pour maintenir les autres (son père, les filles, les nouveaux amis qu'il se fait) à distance. On a le prom king athlétique qui incarne cette nouvelle vision de l'ado au super-pouvoir : va te faire foutre spider-man, on est beaux, forts et on sait voler, pourquoi chercher plus loin que choper de la meuf et se marrer avec la gravité. Et puis le cousin du rejeté, probablement le véritable "héros" dans la mesure où il a le sens des responsabilités et suit la trajectoire initiatique traditionnelle de ses prédécesseurs en collants : gamin mignon mais agaçant aux relents hipsters qui se sent déjà spécial parce qu'il lit Schopenhauer, arrive à emballer la jolie blonde, puis devient douloureusement adulte à la fin, au prix de la perte de l'être cher. Ce sont de jeunes hommes qui jouent plutôt bien et servent la dimension documentaire, et c'est là le succès de l'entrée en matière du film, les situations sont tellement bien construites que le fantastique devient crédible et que la découverte des pouvoirs (des legos dans l'air jusqu'aux séances de vol dans les nuages) fait littéralement baver et jouir.
Le fantasme, dans Chronicle comme dans Project X, peut valoir la peine d'être exploré. Mais si cette tendance du found-footage, amorcée depuis une dizaine d'années maintenant, doit se prolonger dans les années qui viennent - ce qui m'a l'air de se confirmer - il va falloir se mettre dans la tête que le côté brouillon et aléatoire du documentaire n'exempte pas de la rigueur qu'on attend d'une fiction.

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