Les lycéens des années 90 ont eu Beverly Hills. Ceux des années 2000 ont eu The OC. C'étaient les vitrines indéniables, incontestables, avec les interludes middle-class comme Dawson's Creek et One Tree Hill pour un peu plus d'identification, de méritocratie, et de pathos en bonus. Fin des années 2000, soit mes années lycée, on retournait à la jeunesse dorée avec Gossip Girl.
Gossip Girl, c'était le projet douteux d'adaptation d'une série de bouquins pour minettes de treize ans, qui a finalement fait ses preuves par son argument béton de la côte Est : le décor new-yorkais visuel comme musical y fait une bonne part du boulot, on s'y habille mieux... Ajoutez-y la tournure très Liaisons Dangereuses que le couple phare lui a donnée, la polémique autour de la dépravation à laquelle les jeunes s'y adonnent (la reprise des pires reproches faits par la critique et des comités de parents pour faire leur promo, les slogans concis comme OMFG, WTF et autres acronymes dans l'air du temps) et la première saison était gagnante sur tous les niveaux.
Pour ça, Gossip Girl valait le détour. Pour son côté malicieux, sa tendance pessimiste à miner toute évolution morale de l'archétype d'une salope, à rendre le vice adorable et somptueux, à corrompre l'innocence. Chez Beverly Hills, ils étaient trop nombreux pour s'attarder sur de tels modèles psychologiques. Chez The OC, ils étaient trop gentils et ennuyeux. Chez Gossip Girl, ils étaient pile poil ce que la génération désabusée de 2007 voulait se taper en prime-time après les cours.
Et puis le temps passe, la bourse s'alourdit à mesure que la série assoit son autorité en matière de vente de rêve, mais le réservoir s'épuise au fil des saisons. Même les intrigues les plus tordues finissent par tourner en rond, le meilleur (à assimiler au pire) est atteint et dévoile le néant à venir. C'est devenu le soap sur lequel on crache à la pause clope.
Gossip Girl maintenant, d'un point de vue dramatique, c'est changer de méchant toutes les semaines. En gros y en a toujours un qui monte un « sale coup », que ce soit le méchant attitré, le guest inquiétant du moment, ou quelques fois, histoire de « surprendre », le plus gentil de tous qui en a marre de se faire marcher sur les pieds, pour qu'on lui dise à la fin qu'il ne vaut pas mieux que les autres. Redites assez lassantes.
D'un point de vue esthétique, ce sont les tenues de Blair, la manière dont elles sont assorties à celles de Chuck, et comment dernièrement on a « enfin » pu les voir se les arracher sur un piano. Pas vraiment d'autre intérêt, sauf pour ceux qui ne se lassent pas de la nymphomanie de Nate, de celle de Serena, ou de la dégénérescence de Jenny. C'était aussi un petit prélude à Paris, complètement random, histoire de fournir un peu plus le catalogue de labels ou de déterrer de faux espoirs comme Clémence Poésy.
C'est pas surprenant, une série ne se bonifie pas avec le temps. Ça, les producteurs le savent, mais c'est pas vraiment un fait à prendre en compte quand on bosse en fonction d'un applaudimètre. Pour sauver une série, il faudrait avoir les couilles d'opérer un tour de force : s'arrêter en pleine gloire, aboutir à une conclusion pensée et cohérente, qui ferait de tout l'empilement de saisons une véritable œuvre, et pas un livre bizarre à la couverture super bien enluminée et dont les dernières pages seraient reliées n'importe comment. Tu verras, à la saison 6 (car j'ai bien peur qu'on en arrive là, tant que les acteurs ne se verront pas offrir des rôles de ciné dignes de ce nom > qui a vu Twelve ? Qui a bien rigolé ?), qu'on finira bel et bien par s'éloigner du propos. Quand les personnages auront vingt-cinq ans et seront toujours asservis par ce blog pré-pubère, quand les mecs muteront en yuppies définitivement chiants, les meufs tomberont enceintes et se feront mener à l'autel, quand Dan finira avec Blair.
Mais nous resterons fidèles. Juste pour les répliques de Blair ou les cheveux de Serena (j'admets sans problème qu'on puisse encore après quatre saisons aduler un trophée vivant en Herrera dont la voix gémissante implore sans arrêt qu'on la prenne au sérieux) et juste pour assister à la confirmation de nos peurs. Aussi facilement que la route jouissive vers l'apogée, nous suivrons celle du déclin, comme on nous y a formés. Et non, nous ne materons pas l'Upper East Side dans l'espoir d'un revival, car même s'il arrivait, ce serait une bien maigre victoire, et frustrante de surplus, à l'échelle de toute la série.

NY I love you but...

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