system failure

  

Tes métaphores me font peur. D'abord parce qu'elles ne sont pas de toi, ensuite parce que tu y crois vraiment, genre quand les écrivains en font, ils se doutent bien que l'image n'est que strictement approximative, qu'ils y ont recours faute de mots tellement le truc est grand, mais toi, dans ta tête c'est exactement ça. Et je me foutrais volontiers devant toi, te prenant la main, je te dirais "Non, c'est pas ça du tout", mais finalement à quoi bon, puisque de toute façon, on ne voit pas la même chose.
Cette correspondance devient absurde, je l'annule puisque je réponds plus, tes mails sont du spam. L'update ? D'accord, je sais ce que tu vis, comment tu vis, les cours que tu révises et tout, et si je sentais pas derrière ton irrépressible besoin de m'apprendre la vie, je t'ennuierais volontiers avec ma vie en retour. Mais je renverrai rien parce que tu me perds à la deuxième ligne, comme dans une dissertation dont je connais trop la méthode, le mode d'entrée en matière, le plan et tout. Je scroll down histoire de m'assurer que le manège est toujours le même, et c'est confirmé, après la progression dans ta vie scolaire, puis sociale, quelques versets, une note d'espoir, l'espoir qu'un jour j'intègre, et crois-moi je salue l'effort, mais un an plus tard : je suis toujours de mon côté.
Je ne peux pas t'accabler sur ton style, c'est pas juste. Sur ton étagère, il n'y a pas de livres, il y a le livre. Je ne peux pas te mépriser, parce que tu es quelqu'un de bien, parce que malgré ta condescendance, tu veux mon bien (et c'est réciproque). Et btw, je vais bien, je me tue à le répéter, à ceux qui trouvent que je dors pas assez, que je mange pas assez ou que je parle pas trop par moments. Je vais bien. Le matin je me lève sans me poser de questions, j'ai pas particulièrement peur depuis que Ben Laden est mort, je suis un cours et ça m'intéresse, je prends un verre avec des gens et ça m'intéresse. Et ouvrir mon inbox pour me rendre compte de temps en temps qu'à travers tes yeux, je suis perdue, ça me blase.
Je vais résumer ton problème pour te faire gagner du temps avec les prochaines cibles potentielles à rallier à ta cause : vous cassez les couilles toi et tes semblables, à pointer du doigt, à dire les choses comme si elles allaient de soi et à regarder en l'air quand c'est au tour de l'autre de parler ; ne lance pas de discussion que tu peux pas tenir, et surtout ne t'attaque pas à ce que tu ne connais pas, c'est peut-être la pire chose que tu puisses faire à ton pouvoir de persuasion.